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Racines d’un parcours

Fouiner dans l’enfance

Gloria Muñoz, mère de Lorrina B. dans un de ses concerts d’opéra

Du côté de sa mère, nord américaine de New York, dont les parents se répartissent les savoureuses cultures jamaïcaine, indienne Utah-aztèque et indienne Ojibwa canadienne, auront comptés pour elle les arts de la danse et de la musique, en particulier l’opéra.

Pendant que son père, qui dessinait bien, écrivait un livre dans son bureau, celui-ci, qui partageait le même goût que sa femme pour la danse l’accompagnait aux cours auxquels il prenait part.

C’est ainsi que durant les dix premières années de son enfance, la petite fille, ainée d’une famille de trois sœurs, accompagnait de temps en temps son père et sa mère qui, amoureux du folklore espagnol, prenaient tous deux des cours de flamenco, de fandango etc, dans divers studios parisiens où s’enseignaient ces danses traditionnelles.

Plus tard, adolescente, elle subira les envahissantes répétitions d’airs d’opéra et de gammes que sa mère, accompagnée d’un professeur, pratiquait infatigablement à la maison. Plus tard encore, ce seront les répétitions sans fin de guitare, mais sans aller au delà des arpèges d’accompagnement de chansons sud américaines alors à la mode.

En attendant, à partir de l’âge de dix ans, sa vie prendra un premier virage. Elle ira pour un temps, rejoindre aux États-Unis d’Amérique la famille de sa mère alors que cette dernière se remariera. C’est au retour de ce voyage d’outre atlantique qu’elle découvre la peinture, grâce à son beau-père, madrilène qui, tous les dimanches allait avec elle et ses deux sœurs visiter les musées parisiens. L’amour que ce nouveau père portait à la peinture lui venait de sa mère à lui. Il aimait particulièrement les primitifs italiens.

Le monde entier dans un hall

à droite, Gloria Muñoz (mère de Lorrina B.), à la Vente des Nations

Il faut ajouter à tout cela l’influence d’un autre environnement qui va, par la suite, considérablement inspirer ses choix et ses orientations professionnelles. Ses deux parents (mère et beau-père) travaillaient tous deux à l’UNESCO. Toutes ces anecdotes biographiques n’ont d’intérêt ici que parce qu’elles ont eu une incidence évidente sur le cours des choses. l’UNESCO .

Dans les années 1950 l’UNESCO avait à peine 5 ans d’existence. Que ce soit rue Kléber (ancien hôtel Majestic) ou, surtout après, Place Fontenoy, le grand hall d’entrée de cette institution pour l’éducation, la science et la culture, offrait un espace tout à fait magique et multicolore et représentait, à n’en pas douter, surtout pour un enfant, un lieu fascinant.

Déambulaient ainsi dans ce hall lumineux et théâtral des citoyens de tous les pays du monde qui, à cette époque-là, s’habillaient encore dans leurs éclatantes tenues traditionnelles. Ainsi, se métamorphosaient continument dans ce hall, sous les yeux de tous, un flot ininterrompu de couleurs chatoyantes de saris, de boubous savamment peints et de coiffes en tout genre portés par des visages d’hommes et de femmes colorés, épanouis qui se mêlaient aux allées et venues plutôt rigides des autres fonctionnaires, blancs, vêtus de costumes sombres et étriqués caractéristiques des occidentaux pressés.

Rencontre et Ricochets

Outre la beauté avant-gardiste et majestueuse du bâtiment de la place Fontenoy il y avait à l’UNESCO , entre autre activités, dans son cinéclub, des projections de films très divers. Certains, qui étaient à caractère anthropologique, retinrent particulièrement l’attention de cette adolescente curieuse, ainsi que des expositions artistiques relatives aux différents pays hôtes de l’UNESCO.

Lorrina B. adolescente, dans une interprétation scolaire du Bourgois Gentilhomme de Molière

Le panorama ne serait pas complet si l’on n’ajoutait pas l’existence de la magnifique revue Le Courrier de l’UNESCO , qui offrait une vision réfléchie, commentée et documentée sur ses activités et leurs effets qui étaient parfois négatifs, malgré cette bonne volonté parfois condescendante qui venait des pays développés occidentaux. On pouvait lire dans ses pages, de nombreux dossiers illustrés qui traitaient des questions d’actualité liées à l’homme dans le monde et à son environnement passé, présent et futur.

A cette même époque existait une magnifique manifestation présidée par Maurice Schuman: La Vente des Nations, qui réunissait chaque année des représentants de tous les pays, qui vendaient à cette occasion des biens artisanaux et artistiques de leurs régions respectives. La mère de Lorrina apportait à cette occasion, son aide bénévole et Lorrina prenait part auprès d’elle à cette action.

Durant cette période d’adolescence, Lorrina suit des cours de théâtre et joue dans trois pièces. Alors qu’elle vit avec sa famille à Vitry-sur-Seine et qu’elle a environ 18 ans, elle prend cette fois, dans cette ville, des cours de danse. Il s’agit de danse contemporaine, en particulier de la méthode Martha Graham… C’est ainsi qu’elle rencontre le chorégraphe Michel Caserta .qui sera aussi l’un de ses professeurs.

Lorrina B. adolescente, dans une interprétation scolaire du Bourgois Gentilhomme de Molière, mise en scène par Madame Louise Blainville

La première collaboration de Lorrina avec les initiatives développées par le chorégraphe, aura été de créer les décors et les costumes d’un ballet monté par l’un des professeurs de danse classique de l’académie. Puis elle participera au montage d’une exposition sur la danse en Inde et elle collaborera déjà à la revue créée par Michel Caserta : Adage, pour laquelle elle sera quelques années plus tard, la Rédactrice en Chef.

Elle l’appellera alors ADAGE- danse et société s’inspirant du titre d’un très bel ouvrage d’analyse des œuvres d’art signé par Pierre Francastel : Peinture et Société paru en 1965 chez Gallimard. Rédactrice en chef de la revue, elle publiera en particulier de très beaux entretiens qu’elle eut avec le chorégraphe Dominique Bagouet et avec Maguy Marin

Mouvements et turbulences

S’était les années 60. Quelque chose était en mouvement dans la société qui commençait à être perceptible, puis visible et cela débouchera sur le soulèvement international de 1968 où s’exprimèrent tous les rejets sociaux et politiques ressentis par les citoyens d’une grande partie du monde qui s’insurgeaient contre les archaïsmes politiques, sociaux et culturels et contre la violence généralisée, en particulier celle de la guerre du Vietnam. Entre autres, à cette époque l’Apartheid est à son climax, les conflits raciaux aux USA ont donné lieu à un début de résistance dirigée par Martin Luther King qui gagnait du terrain sur la question des droits civiques de l’afro-américains. En France s’était l’époque du conflit algérien.

Durant ces années-là, Lorrina faisait parti d’un groupe d’amis fervents amoureux du cinéma qui partagèrent, dans de longues discutions, leurs vues sur les œuvres nombreuses qu’offraient alors la création cinématographique française et internationale. C’est donc par ses amis qu’elle apprend à comprendre le cinéma pour lequel elle nourrira une longue passion qui perdurera jusqu’aujourd’hui.

Ayant fait la rencontre de Michel Caserta, elle ne tardera pas à prendre part aux nombreuses et riches activités artistiques que ce chorégraphe menait avec passion à Vitry-sur-Seine. Disons, en passant, que cette ville était alors probablement la seule de la région parisienne, voire de France, à avoir en résidence une compagnie de danse. Etait aussi en résidence à Vitry-sur-Seine le talentueux metteur en scène de théâtre Jacques Lassalle et son Studio Théâtre qui menaient un travail expérimental de sensibilisation des publics locaux. Dans la même dynamique, à Ivry, un autre célèbre directeur de théâtre, Antoine Vitez développait lui aussi un travail exemplaire.

Tant Michel Caserta que Jacques Lassale ne tarderont pas, dès qu’il sera construit, à bénéficier, pour présenter leurs œuvres, du très beau et original et Théâtre Jean Vilar. Sont auteurs de cette superbe structure polyvalente qui avait alors valeur de prototype, l’ingénieux scénographe et ingénieur Bernard Guillaumot en collaboration avec l’architecte Pierre Braslavsky qui ont consulté les artistes en résidence et qui on travaillé avec le soutient de Jean Collet éminent et respecté élu à la culture de la ville. Pendant des décennies cet audacieux maire adjoint, qui aura lui aussi une influence sur la façon d’envisager l’art et la culture de Lorrina, a fait prospérer une activité artistique d’excellence auprès des populations les plus diverses de la ville. Comme dans toutes les autres municipalités de France la ville avait à Vitry un conservatoire de musique. Cet exceptionnel environnement pluridisciplinaire de l’art comptera beaucoup pour ces compagnies en résidence. Il faut ajouter aussi une importante activité tournée vers les arts plastiques que dirigeait alors le peintre Serge Guillou ; celle-ci sera d’ailleurs prolongée, à l’échelle départementale, sous les hospices de son président , l’incomparable Michel Germa, par la création du Fond d’Art Contemporain piloté par Raoul Jean Moulin qui agissait en qualité de conseiller aux arts plastiques. In fine l’ensemble débouchera, en 2006, sur la fondation d’un musée d’art contemporain (Mac-Val) conçu par l’architecte Jacques Ripault et baptisé du vilain surnom de MACVAL .

En vérité, travailler à Vitry dans le milieu des arts, s’était avoir une activité en plein cœur d’un environnement artistiquement fort, toujours porté par des débats autant consistants que contradictoires, parfois même virulents, sur l’art, la liberté d’expression, l’indépendance de l’artiste, le rôle de chacun… C’est à cette époque que Lorrina rencontrera les peintres Yves Moisset, Ernest Pignon Ernest, Raymond Morretti, Pierre Tal Coat à Dormont en Normandie, Salvador Dalí à Portlligat.

A travers une relation amicale avec le dessinateur de presse Jacques Cardon, qu’elle avait sollicité pour la conception d’une affiche pour une chorégraphie de Michel Caserta, elle rencontre les dessinateurs de presse du Canard Enchaîné ou dessine Jacques Cardon, bien sûr, Vasquez de Sola (aujourd’hui en Espagne) et Jean-Maris Kerleroux. Par ailleurs, elle aura l’occasion de discuter avec Jean Marc Reiser à propos d’un autre projet.

Le théâtre Jean Vilar recevait, entre autres personnalités de renom, la grande chanteuse noire américaine Marion Williams que Lorrina interviewera.